Pour la plupart d’entre nous, les lentilles de contact sont de simples objets de la vie courante. Ces disques minuscules que vous portez tout au long de la journée, et même quelquefois la nuit, ont souvent l’air de rien. Mais dans les faits, les lentilles sont un véritable concentré de technologies, qui ont nécessité des centaines d’années d’expérimentations, de recherches et de développement pour devenir les lentilles hautement confortables et performantes que nous connaissons aujourd’hui.
Léonard de Vinci est considéré comme le précurseur des lentilles de contact. En 1508, le grand artiste et inventeur italien a tenté de comprendre le fonctionnement de l’œil humain et notamment le processus d’accommodation – sorte d’autofocus permettant la mise au point de l’œil pour voir des éléments à différentes distances, comme le fait aujourd’hui un appareil photo. Dans son Codex de l'œil, de Vinci a ainsi proposé d’appliquer un bol d’eau sur les yeux, voire de plonger les yeux dans une grosse coupe d’eau, pour corriger des erreurs de réfraction. Évidemment, aucune des deux méthodes n’était particulièrement pratique mais elles préfiguraient comment une lentille placée sur un œil pouvait corriger la vue.
Un peu plus d’un siècle plus tard, en 1636, René Descartes a continué dans la même voie et développé le concept dans un essai où il traitait de l’emploi d’un tube test rempli d’eau, pour parvenir aux mêmes résultats que de Vinci. Il a démontré par la même occasion comment corriger la vue en plaçant de l’eau spécifiquement sur la cornée, plutôt que sur l'œil tout entier. Bien que plus simple que celle de son prédécesseur, sa solution ne brillait pas vraiment par son côté pratique…
Ce n’est qu’au XIXe siècle que les choses prennent véritablement forme. Au tournant du siècle, le scientifique Thomas Young a mis en pratique les idées de Descartes pour réussir la création de lentilles de contact. Il a réduit la longueur des tubes afin de fabriquer une lentille de trois quarts plus petite et a choisi d’utiliser de la cire pour coller les tubes aux yeux. Bien qu’ingénieux, on ne peut pas dire que le modèle ait remporté un franc succès auprès du public !
En 1823, John Herschel, un autre scientifique britannique, a imaginé un prototype plus proche des lentilles auxquelles nous sommes habitués. Il a eu l’idée de fabriquer des moules de l'œil humain et de s’en servir pour concevoir la face des lentilles correctives pour les personnes souffrant de troubles de la vision. Son idée est devenue finalement réalité un peu plus tard au cours du siècle.
Les choses se sont accélérées à la fin des années 1880. Si on débat toujours pour savoir qui est l’inventeur des premières lentilles de contact en verre, deux noms sont souvent cités : F.A Mueller et Adolf E. Fick, deux scientifiques allemands à qui on doit les premières lentilles fabriquées à partir de verre soufflé. Ces lentilles dites sclérales recouvraient pratiquement toute la partie visible de l’œil et ne laissaient pas respirer ce dernier. Leur poids, taille et épaisseur les rendaient extrêmement inconfortables et il était alors impossible de les porter plus de quelques heures de suite.
Même si ces lentilles étaient loin du confort des lentilles d’aujourd’hui, elles ont apporté la preuve qu’il était techniquement possible de corriger des troubles de la vision en apposant directement un dispositif sur l'œil. Elles sont restées la seule forme de lentille de contact jusqu’aux années 1930.
Il a fallu attendre 1936 et l’invention des lentilles sclérales composées de verre et de plastique (Plexiglas) par William Feinbloom, un optométriste américain, pour avoir des lentilles plus légères, plus confortables et pouvant être portées plus longtemps. La partie en verre recouvrait la cornée tandis que la partie en plastique reposait sur la sclère, c’est-à-dire la partie blanche de l'œil, ce qui assurait une meilleure oxygénation des yeux.
Kevin Tuohy, un autre américain, est allé encore plus loin en concevant dès 1948 des lentilles plus petites, appelées « lentilles cornéennes », qui étaient posées seulement sur la cornée plutôt que sur l’ensemble de la surface oculaire et qui pouvaient être portées toute une journée. Ces lentilles composées en polyméthacrylate de méthyle, un plastique non poreux, pouvaient bouger quand on clignait des yeux, ce qui laissait passer plus d’oxygène jusqu’aux yeux et évitait les irritations. Ces lentilles ont connu un succès commercial dans les années 60.
En 1961, deux chimistes tchèques, Otto Wichterle et Drahoslav Lim, ont mis au point la première lentille souple à partir d’hydrogel que l’on connaît principalement aujourd’hui. Ce matériau transparent et malléable présente le double avantage de pouvoir absorber jusqu’à 40 % d’eau et de prendre une forme adéquate quasiment immédiatement à la pose, contrairement aux lentilles rigides qui nécessitent un temps d’adaptation.
Au fil des années, les innovations technologiques ont permis d’améliorer les matériaux à partir desquels les lentilles sont fabriquées et de rendre ces dernières de plus en plus fines. À la fin des années 60, elles ne faisaient plus que 0,10 mm d’épaisseur. Au début des années 70, Bausch & Lomb a mis en vente les toutes premières lentilles de contact souples en hydrogel, sous le nom de SofLens. Les lentilles multifocales pour la presbytie et les lentilles toriques pour l’astigmatisme ont suivi quelques années plus tard.
Les années 80 ont vu la naissance des lentilles journalières jetables, ce qui a marqué un tournant important dans l’histoire des lentilles optiques. Les lentilles sont devenues plus pratiques et plus hygiéniques, deux atouts particulièrement appréciables pour les personnes souffrant de troubles de la vision. Les porteurs de lunettes de vue, auparavant réticents aux lentilles, avaient désormais le choix d’en porter pour des occasions spéciales ou juste pour faire du sport.
Les lentilles à port longue durée ont également fait leur apparition dans les années 80. Les lentilles de contact étaient désormais si légères, avec une telle teneur en eau et un si grand niveau d’oxygénation qu’il n’était plus impossible de les garder aux yeux en dormant.
C’est à la toute fin du XXe siècle que sont nées les premières lentilles souples en silicone hydrogel, appelées communément « lentilles de dernière génération ». Ces lentilles sont jusqu’à cinq fois plus perméables à l’oxygène que les lentilles en hydrogel, c’est-à-dire qu’elles laissent davantage passer d’oxygène à travers la lentille jusqu’à l’œil, ce qui procure une sensation de fraîcheur et de confort pendant plus longtemps. Ces lentilles innovantes absorbent également plus d’eau que les lentilles en hydrogel traditionnelles, d’où leur plus grande malléabilité lors de leur pose. Proposées en tant que lentilles journalières depuis la fin des années 2010, les lentilles de contact en silicone hydrogel représentent un modèle extrêmement confortable, pratique et hygiénique pour les utilisateurs.
Les technologies sur lesquelles reposent les lentilles continuent encore et toujours de progresser, avec de nouveaux matériaux comme le comfilcon A. Ce dernier absorbe encore plus d’eau pour aider vos yeux à se sentir frais, sains et hydratés pendant plus longtemps. Certains rêvent même de lentilles de contact intelligentes. Alors, même si cela peut sembler encore de la science-fiction, qui peut prédire quelle sera la prochaine innovation des lentilles de contact ?
En attendant, qu’elles soient en hydrogel ou en silicone d’hydrogel, les lentilles correctrices souples sont aujourd’hui les plus courantes et permettent de corriger la plupart des troubles visuels : myopie, hypermétropie, astigmatisme ou presbytie. Leur fréquence de renouvellement permet plus de souplesse, puisqu’il existe des lentilles mensuelles, bi-mensuelles et journalières !
